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Ancienne cité romaine, puis siège d’un évêché jusqu’à la Révolution, le territoire de la commune est riche en sites antiques et monuments religieux. Nous ne présenterons ici que deux édifices dont la documentation permet de les situer avant la période de l’enchâtellement et rentrant parfaitement dans notre étude sur les chapelles rurales.

 

389. Chapelle Saint-Pierre

Entre 990 et 997, Almérade évêque de Riez, donne à l’abbaye de Lérins l’ecclesia sancti Petri proximam civitati Regensi, cum omnibus ad se pertinentiis, cum altario videlicet et decimis, cum oblationibus et primiciis ; et cum molendino sub predata ecclesia constructo sancti Petri, et omnem terram cum toto censu qui ex eo exite debet infra hos terminos. Cette église n’est plus citée par la suite parmi les biens de l’abbaye. On la retrouve sur la carte de Cassini n° 153 au SO de la ville au bord de la route menant à Allemagne. Elle figure également en bon état sur le cadastre de 1825, section D 3, parcelle 1455, avec une abside en hémicycle et une chapelle latérale à droite. Depuis la Révolution l’ancienne chapelle Saint-Pierre transformée en habitation, sur la route d’Allemagne. Elle comprend une nef unique et un chevet triple avec un transept bas. Les murs sont en petit appareil avec chaînes d’angles de plus fort échantillon. Probablement XIe ou début du XIIe siècle (Alpes Romanes, p. 59). Demeure privée, la chapelle n’est plus citée en tant que telle sur les cartes modernes. Le site de la chapelle a d’abord été le siège d’une riche villa sub-urbaine (CAG, p. 390).

 

390. Eglise Saint-Etienne

Cette ancienne église disparue est nommée au cours du XIe siècle au moment où Tassilus, accompagné de son épouse et de ses fils, fait don aux moines de Saint-Victor de la terre sur laquelle est édifiée l’église de saint Etienne, vulgairement appelée Regeinna ; et c’est dans le territoire de Fontis Maurose. Il donne également le cimetière (CSV II, n° 1098, p. 568). Des confirmations sont données ensuite par les papes de cette ecclesia sancti Stephani de Reginia en 1079, 1098, 1113 et 1135 (CSV n° 843, 697, 848 et 844). L’église n’est pas citée en 1337 dans la nomenclature des prieurés victorins. A cette date, elle est en effet dans les mains des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. C’est ce que nous apprend le Pouillé de 1274 où le commendator de Puimoisson possède l’église Sancti Stephani (p. 109).

Les indices fournis par le premier texte permettent de situer cette église dans la commune de Riez et dans le quartier appelé aujourd’hui Mauroue. Il est situé tout au nord de la commune limitrophe avec celle de Puimoisson. Le cadastre de 1825 et les cartes actuelles signalent un quartier dit St-Estève. En 1815, on découvrit dans les ruines de la chapelle Saint-Estève un fragment d’autel dédié à Jupiter. Puis vers la fin du même siècle, on découvrit une inscription lapidaire mais qui ne fut ni lue, ni conservée (CAG, p. 392). Le cadastre nomme St Estève une grande parcelle avec un bâtiment détruit (section A 2, parcelles 93 et 98). Tout le quartier de Mauroue a livré plusieurs indices d’occupation antique (CAG, p. 390-392).

 

Sythèse

Tous les éléments convergent pour faire remonter ces deux édifices au haut Moyen Age. On y retouve un milieu ouvert, non défensif, des titulatures à des saints des premiers temps du christianisme. Quand elles sont citées pour la première fois, elles existent déjà et sont dans les mains de l’évêque du lieu ou d’un propriétaire laïc. Enfin, elles sont implantées sur des sites antiques, l’une peut-être même sur l’emplacement d’un temple à Jupiter.

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Faisait partie du diocèse de Sisteron et de la viguerie de Forcalquier, aujourd’hui dans le canton de Saint-Etienne-les-Orgues (1). Cette petite commune de 756 hectares est située au nord de Forcalquier et au sud de Saint-Etienne-les-Orgues. Elle n’a jamais dépassé les 250 habitants et, à la fin du Moyen Age, le territoire est même déclaré inhabité. Ce n’est que récemment qu’elle a pris son nom actuel, s’appelant autrefois Revest-Enfangat. C’est sous cette appellation que l’église paroissiale est nommée en 1274, ecclesia de Revesto Fangatos (Pouillés, p. 115). Elle est dédiée à saint André et dépend de l’évêque de Sisteron en 1152 selon R. Collier (p. 152). La commune présente deux centres habités, le Revest au nord et les deux hameaux de Saint-Martin au sud.

 

388. Le prieuré Saint-Martin

Ce n’est pas un hasard si deux hameaux portent le nom de Saint-Martin. Or il existe une donnée qui n’est pas totalement assurée, car le lieu exact n’est pas nommé. En 1040, a lieu un échange entre deux ecclésiastiques et un autre dit capellanus sancti Martini. Puis, en 1135, est citée, dans le diocèse de Sisteron, une cella sancti Martini (CSV II, n° 671, p.15 et n° 844, p. 226). L’auteur du cartulaire, dans son dictionnaire géographique, place ce Saint-Martin à Revest-Enfangat (p. 915). Abbayes et Prieurés reprend ces mêmes données (p. 72). La dépopulation du XVe siècle a sans doute condamné le prieuré qui n’a pu se relever par la suite. Ce prieuré, déjà cité en 1040, peut sans doute être relié à deux toponymes révélés par le cadastre de 1833 qui renvoient à la période carolingienne, Courvieille et Champ de la Vière. L. Pelloux apporte la confirmation d’une église à Saint-Martin : l’église et le presbytère ont été construits il y a environ quatre-vingts ans au hameau du Village qui ne possède plus que quelques maisons. L’ancienne église, maintenant en ruines, était au hameau du Haut-St-Martin (p. 95).

 


1. Voir PELLOUX L.,Notices géographique et historique sur les communes du canton de St-Etienne-les-Orgues, Forcalquier, 1887, p. 93-100.

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Faisait partie du diocèse de Sisteron et ressortissait du Dauphiné, aujourd’hui dans le canton de Banon. Cette grande commune de 4345 hectares est au centre du plateau d’Albion et en limite à l’ouest avec le département du Vaucluse. Si le nom de la commune n’apparaît qu’en 1274, une partie de son territoire est cité le 9 janvier 1082 quand l’ancien évêque symoniaque de Gap, Ripert, en compagnie de son épouse et de ses fils, donne à l’abbaye de Cluny, de son héritage, in Monte Albionis, tout et l’intégralité du territoire de Leboret et del Vorze dans le diocèse de Sisteron (CLU IV, n° 3590, p. 744). Il s’agit des fermes du Haut et du Bas Labouret, situées au NO du village. En 1274, les Pouillés citent un prior de Revesto Albionis (p. 121). Et au XIVe, la paroisse, toujours desservie par un prieur, dépend de Cluny par l’intermédiaire de Ganagobie (GCN I, Inst. XXXVI, col. 473). L’église est dédiée à saint Clair celui-ci pouvant être le titulaire de la première paroisse qui se situait à la ferme St-Clair. Les quartiers de Saint-Clair et des Eicharettes  ont livré du matériel antique (CAG, p. 360). L’église paroissiale, dans son gros œuvre, peut être attribué à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe (Collier, p. 212). Il est possible que le transfert d’habitat et d’église se soit effectué au cours de cette période.

 

387. Notre-Dame de l’Ortiguière

C’est la seule chapelle rurale signalée au XIXe siècle sur la commune. Elle est située à 2 km 500 au SO du village aux abords de la D 218. Elle est mentionnée en 1274 en même temps que celle de la paroisse, ecclesia beatae Mariae de Silva in Albione (p. 118). Il ne subsiste rien de la construction primitive détruite à la fin du XIVe siècle. Elle fut reconstruite au milieu du XVIIe siècle après la découverte d’une statue de la Vierge dans les décombres. C’est à ce moment que lui fut adjoint un ermitage. Elle devient alors un lieu de pèlerinage très fréquenté où des miracles se produisirent. On s’y rend encore aujourd’hui pour la fête des fruits de la terre au mois de mai. De l’église d’origine, il ne subsiste que quatre consoles en forme de têtes d’atlante que les archéologues ne datent pas au-delà du XIIIe siècle 1.

 

Synthèse

Il est probable qu’il ait existé deux lieux de culte ayant précédé le castrum, Notre-Dame et Saint-Clair, ce dernier étant le titulaire de l’église paroissiale.

 


1 Provence Romane 2, p. 341. Bailly, p. 36-38. Collier, p. 143. Barruol Jean et Guy, « Notre-Dame de l’Ortiguière au terroir du Revest d’Albion », Alpes de Lumière, n° 55, 1976. PR, n° 23, 2000, p. 47-48.

 

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Faisait partie du diocèse de Sisteron et de la viguerie de Forcalquier, aujourd’hui dans le canton de Banon. La commune de 2295 hectares est située au SE de Banon et à l’ouest de Forcalquier dans un milieu de collines, de petits plateaux, entrecoupés de vallons et irrigués par le Largue. La Préhistoire est bien représentée ainsi que la Protohistoire où l’on relève au moins deux oppida, de Saint-Laurent et de la Tour de Revest, qui ont pu être réoccupés au Moyen Age (CAG, n° 162, p. 357-359). Un indice de site du haut Moyen Age est fourni par le quartier Saint-Martin, au nom évocateur et qui a livré une nécropole composée de tombes sous lauzes. L’ecclesia de Revesto de Borossa est citée par les Pouillés en 1274 (p. 117) et dépend d’abord des chapitres de Sisteron et de Forcalquier, puis de l’abbaye de Cruis (Atlas, cartes 66 et 72). Elle est sous la titulature des saints Côme et Damien. R. Collier la date de la fin XVIe et XVIIe siècles, mais a subi de grandes tranformations au XIXe siècle (p. 174 et 223). Les visites pastorales du XIXe siècle ne citent qu’une seule chapelle rurale.

 

386. Saint-Julien de Boruza ou de Brossa.

Cette église est mentionnée en même temps que celle de la paroisse, en 1274, ecclesia Sancti Juliani de Boruza (Pouillés, p. 119). Au XIVe, elle apparaît comme étant desservie par un prieur, prior Sancti Juliani de Brossa et dépend de l’évêché de Sisteron (GCN I, Inst. XXXVI, col. 472). Pour retrouver ce Saint-Julien, seule la carte de Cassini le permet, signalant un édifice religieux St Julien au Petit Gubian. Car, à partir du XIXe siècle, saint Julien est remplacé par les saints Philippe et Jacques. C’est d’abord le cadastre de 1839 qui nomme une chapelle St Philip au hameau du Petit Gubian (section A 2, parcelle 92) puis les visites de 1866, 1871 et 1888 qui citent une chapelle rurale de St-Jacques et St-Philippe au Petit Gubian (2 V 86 et 93). Elle n’apparaît plus sur les cartes modernes.

Ch. Rostaing fait venir le nom Gubian d’un gentilice latin évoquant une villa ou un domaine gallo-romain (p. 390). D’autre part, la CAG signale une voie préromaine ou antique présumée reliant Céreste à Sisteron passant, entre autres, à Gubian, puis à Ongles. Il s’agit de la D 18 actuelle qui rejoint au nord de Gubian la D 950. Au sud de la chapelle, le cadastre de 1839 signale un grand bâtiment, avec cour intérieure ouverte sur un côté, nommé Roumieu. Enfin la titulature de l’église à saint Julien renvoie à un saint Julien dit l’Hospitalier qui vécut au IVe siècle, protecteur des pauvres et des pèlerins, patron des aubergistes et des voyageurs. Tous ces indices indiquent un site majeur, d’origine antique, placé sur une voie de passage reprise au Moyen Age pour l’accueil et la protection des voyageurs et des pèlerins sous l’assistance de saint Julien. Ce dernier n’a cependant pas complètement disparu de nos cartes actuelles ; en face de Gubian, sur la rive gauche du Largue qui fait limite avec la commune de Limans, apparaît le quartier St-Julien.

 

Synthèse

La commune mériterait une étude plus approfondie de son passé médiéval. Il semblerait que deux églises aient desservi des habitats perchés, Saint-Martin et Saint-Laurent. Les sites en milieu ouvert, Gubian et sans doute Saint-Jean, qui apparaît sur le cadastre, ont pu les précéder et faire suite à des occupations antiques. Celui de Gubian, que nous avons pu révéler, revêt un intérêt particulier.

 

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Faisait partie du diocèse d’Aix et de la viguerie de Forcalquier, aujourd’hui chef-lieu de canton. Le vaste territoire de Reillanne, 3855 hectares, est situé au SE de Forcalquier, entre les communes de Saint-Michel l’Obervatoire à l’est et de Céreste à l’ouest. Il est limité à l’est par la vallée du Largue et traversé d’Est en Ouest par la N 100 reliant Apt à la vallée de la Durance par Mane et Forcalquier. Cette route recouvre en partie le tracé de l’ancienne via Domitia et de nombreux sites antiques ont été découverts sur son parcours (CAG, n° 160, p. 353-356). Au début du Xe siècle en 909, Fouquier, père de Mayeul, possède des biens in valle Reglana dont la villa Pinetam cum ecclesia in honore Sancti Sisfredi (CLU I, n° 105 et 106, p. 117 et 119). La richesse du terroir qui avait déjà attiré les colons romains, ensuite les propriétaires de domaines carolingiens, va également intéresser les abbayes à l’aube du deuxième millénaire. On y rencontre en effet Saint-Victor, Montmajour, les Hospitaliers sans compter l’archevêque d’Aix et son chapitre. Le castrum s’établit sur une colline au milieu du territoire avec une église paroissiale dédiée à Saint-Pierre. Il n’en subsiste plus qu’un pan du mur oriental avec arc de décharge surmonté d’un clocher à arcades (Provence Romane 2, p. 239). La paroisse dépendait de l’abbaye de Montmajour par l’intermédiaire du prieuré de Carluc. Cette dépendance de l’ecclesia Relania est confirmée le 18 mars 1118, l’archevêque se réservant le quart des dîmes et le tiers des offrandes aux morts (GGN I, Inst. Aix, VII, col. 8-9). Nous allons tenter de retrouver les anciens prieurés disparus car au XIXe siècle les visites pastorales ne mentionnent aucune chapelle rurale.

 

381. Le prieuré Saint-Mitre et Notre-Dame-des-Prés

La mention de cette église est donnée par le CSV, d’abord en 1054, ecclesia Sancti Mitrii, puis en février 1067 quand Boniface, in valle Reliana, donne à Saint-Victor et à l’église Saint-Mitre un bois près de l’église et trois modiées de terre de ma condamina dominica qui est près du chemin qui va à St-Pierre (CSV I, 413, p. 419 et II, 1067, p. 536-537). Sans date précise, mais au XIe siècle, cette donation est confirmée : à Reillanne, sous le castrum, nous avons toute la dîme de la condamine qu’a donnée Boniface Peregrin à Saint-Victor (I, 464, p. 467).  Le prieuré est encore en possession de l’abbaye en 1337, prioratu Sancti Mitrii de Relhana (CSV II, n° 1131, p. 619). 

Ces données apportent des enseignements majeurs. L’église Saint-Mitre existe déjà en 1054 et c’est peu de temps après que lui est donnée une partie de la condamina dominica appartenant à Boniface. Ce dernier semble être un personnage influent puisqu’il signe en 1035 une donation en faveur de Saint-Victor in castro quod dicitur Reliana. Il est le frère de l’archevêque d’Arles Raimbaud de Reillanne (CSV I, 59, p. 88). Ce Boniface paraît avoir édifié le castrum et possède des biens à Reillanne en tant que seigneur, dont une « condamine domaniale », termes typiquement carolingiens pour désigner un chef-manse ou un domaine de villa. Saint-Mitre pourrait être l’église de la villa qui aurait été, avec le domaine, expropriée lors des troubles du Xe siècle. La titulature à saint Mitre renvoie à un saint local des origines du christianisme. Il fut martyrisé à Aix durant le Ve siècle et devint patron de l’église Notre-Dame de la Seds où étaient déposées ses reliques ; celles-ci furent tranférées en 1383 en la cathédrale Saint-Sauveur. Sa fête est le 13 novembre.

L’abbé Féraud reconnaît le prieuré de Saint-Mitre comme dépendant de Saint-Victor, mais il avance que ce prieuré, fondé après la suppression de l’ordre des Templiers en 1308, passa ensuite aux religieux Observantins (Souvenirs Religieux, p. 38). Plus loin, il ajoute, sur le couvent des Observantins, que, après la suppression de l’ordre des Templiers (1308), leur hôtellerie de Reillanne et les biens qui l’entouraient furent d’abord donnés à l’abbaye de Saint-Victor et formèrent le prieuré de Saint-Mitre de Reillanne. Ces biens finirent par être donnés aux Franciscains de l’Observance. Abandonné juste avant la Révolution il devient le bien d’un particulier puis de nos jours avec l’établissement des religieuses bénédictines de la congrégation de Sénanque (Souvenirs Religieux, p. 126). Enfin, il termine l’histoire du couvent par l’installation en 1869 de religieuses cisterciennes et le prieuré prend alors le vocable de Notre-Dame des Prés (p. 319-320). Il apparaît que les premières données fournies par Féraud sont en contradiction avec celles que nous avons exposées au départ. Saint-Victor possède le prieuré, au moins du XIe au XIVe siècle et il n’est pas question de Templiers. La carte de Cassini a conservé le souvenir des Observantins puisqu’elle signale un quartier portant ce nom. Le cadastre de 1833 et la carte IGN mentionnent le Couvent. C’est aujourd’hui une colonie de vacances.

Une étude parue dans le PR apporte d’autres éléments (n° 18, 1995, p. 41-48). Il y aurait eu trois phases d’occupation. C’est d’abord avec le passage de saint François à Saint-Mitre en 1218. Puis, une première communauté franciscaine s’installe peu avant 1237 avec le service d’un hospice pour les pèlerins se rendant à Rome. Cet hospice se trouve au prieuré de Saint-Mitre. En dernier lieu, au début du XIVe siècle, création d’un nouveau couvent par les Obervantins à l’emplacement d’un hospice ayant appartenu aux Templiers, puis aux Hospitaliers. Il se trouve au lieu-dit le Couvent. Il est vendu à un particulier en 1766. Puis, il est acheté en 1865 pour y installer des religieuses cisterciennes qui y restèrent jusque vers 1930. Finalement, il devient colonie de vacances en 1963.

 

382. Eglise Saint-Suffrein et la villa de Pinet

On l’a vu plus haut la villa Pinetam cum ecclesia in honore Sancti Sisfredi fait partie des biens de Fouquier, père de Mayeul, recensés par le cartulaire de Cluny en 909. C’est en 1118 que l’on découvre que l’ecclesia Sancti Suffredi de Relhania fait partie des biens de l’abbaye de Montmajour en même temps que l’église paroissiale, l’archevêque se réservant le quart des dîmes et le tiers des offrandes aux morts (GCN I, Inst. col. 8-9) 1. L’abbé Féraud y reconnaît (encore !) une possession des Templiers, les domaines qu’ils possèdaient furent érigés en chapellenie sous le titre de Saint-Suffren (p. 370). Nous verrons plus loin les biens appartenant aux Hospitaliers et non aux Templiers. La villa de Pinet est devenue le château de Pinet qui se trouve à 750 mètres au sud du village à l’écart de la D 214. C’est le cadastre de 1833 qui révèle l’emplacement de Saint Sufren, au sud du lieu-dit le Pigeonnier, de l’autre côté de la route par rapport à Pinet. Nous sommes dans la même situation que pour le prieuré de Saint-Mitre. Mais ici la villa et l’église sont attestées dès 909 avec un domaine issu de la période carolingienne. Le saint est encore également un saint provençal des origines puisqu’il fut, après avoir été moine à Lérins, le quatrième évêque du diocèse de Carpentras, décédé vers 540. Enfin la CAG signale que furent découverts dans une vigne en 1913 des chapiteaux romains et de nombreuses céramiques ; également, aux abords du château, une nécropole (p. 354). Nous avons donc une église attestée au Xe et XIIe siècles, implantée sur l’emplacement d’une villa carolingienne et sur un site antique.

 

383. Eglise Saint-Geniez

Le lieu-dit Saint-Geniez est situé au SO du territoire de la commune et deux données contradictoires ne permettent pas de découvrir la réalité. La CAG y signale une inscription chrétienne qui était entreposée, servant de couvercle à un puits dans lequel elle tomba en 1930 (p. 354). Les auteurs ajoutent que Saint-Geniez est une ancienne église signalée au XIe dans le cartulaire de Saint-Victor, vocable d’origine paléochrétienne. Effectivement on la trouve nommée vers 1025 et en 1052, ecclesia sancti Genesii, mais le texte est ambigü car elle semble servir de confront à la donation d’une vigne ou d’un champ se trouvant à Villemus (CSV I, n° 418, p. 423-424 et n° 424, p. 427-428). En tout cas, elle n’est plus citée par la suite. Un autre texte, de la même époque, milieu XIe siècle, relate qu’une donation a été faite à Montmajour par Boniface et sa femme Sermengarete de l’église de Saint Genies, près de Reillane 2. Ici aussi, l’église n’apparaît plus par la suite, y compris dans le texte de 1118 où sont nommées les églises du diocèse d’Aix dépendant de Montmajour dont celle de Saint-Siffrein.

 

384. L’ecclesia Sancti Egidii

Cette église apparaît en 1092, ecclesia sancti Egidii in territorio castri Reliane, comme dépendant du chapitre d’Aix (GCN I, Inst. Aix, II, col. 4).  Cette appartenance est confirmée par le pape Alexandre III en juin 1175, in valle Rellanie, sancti Egidii (GCN I, Inst. Aix XII, col 14). Elle est renouvelée par le pape Urbain III le 28 octobre 1186  (GCN I, Inst. Aix. XIV, col. 18). Une troisième bulle, de Célestin III, du 18 mai 1191, apporte un renseignement supplémentaire, ad Rellane, ecclesia sancti Egidii cum hospitali (GCN I, Inst. Aix XV, col. 19). Il faut peut-être relier cet hôpital aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalemen dont on apprend qu’en 1201 l’archevêque d’Aix Guy de Fos leur rend leur maison de Reillanne (GCN I, Aix, col. 63).

Aucun indice cartographique ne vient apporter quelques lueurs sur cette église et cet hôpital. Il existe cependant une possibilité de les localiser au sud de la commune, près de l’antique voie domitienne, où figurent trois toponymes évocateurs : la Garde de Dieu, Thésé, Saint Giéry. Le premier évoque un établissement mis sous la protection divine par l’intermédiaire d’un hospice tenu par des religieux sur une grande voie de passage. G. Barruol indique pour Thésé un édifice pour voyageurs ou mieux encore un poste de douanes et que, d’après les données métriques, le site correspondrait à l’étape signalée par Strabon aux Fines méridionales des Vocontii (CAG, p. 355). Dans un autre ouvrage, le même auteur place précisément ce poste frontière au sud de Reillanne, aux abords du col des Granons entre Catuiacia (Céreste) et Alaunium (Notre-Dame des Anges) 3. Tous les quartiers avoisinnants, la Roustagne, Thésé, le Tubet, Paradis, les Granons ont livré du matériel antique, tegulae, fragments d’amphores et de dolia, four, nécropole, inscription latine, etc. (CAG, p. 355). La vocation de poste frontière, de relais pour les voyageurs semble avoir perduré durant le Moyen Age sur cette route reliant Apt à Forcalquier dite via publica en 1053 (voir Montjustin). La vocation des Hospitaliers correspond tout à fait à cette destinée d’assistance des voyageurs et l’hôpital de sancti Egidii aussi. Ce dernier vocable, traduit communément par Gilles, semble ici avoir évolué différemment. Le cadastre de 1833 livre en effet dans le même secteur un quartier dit St Giery et un bâtiment du même nom (Section B 2, parcelle 787).

 

385. Notre-Dame du Bourguet

Le Bourguet ou le Bourget est une ancienne commune rattachée à Reillane en 1826. Le cadastre napoléonien signale un habitat dispersé et peu dense, mais cependant desservi par une église paroissiale dédiée à Notre-Dame. Féraud rapporte que cette église est délabrée et abandonnée depuis la révolution française ; c’était jadis une annexe desservie par un vicaire de Reillanne (p. 383). L’église est citée au XIVe siècle comme faisant partie du diocèse d’Aix, ecclesia de Burgueto (GCN I, Inst Aix, XL, col. 48). C’est dans cette ancienne commune qu’a été fondée en 1978 la charteuse de Reillanne, dite Couvent Notre-Dame sur les cartes modernes. 

 

Synthèse

La perennité de l’occupation humaine depuis l’Antiquité dans la commune de Reillanne se revèle particulièrement remarquable. Le tracé de la voie antique qui la traverse semble l’avoir vitalisée sans discontinuité. L’occupation au haut Moyen Age se traduit par au moins deux établissements de type villa équipée chacune d’une église.

 


1 Alpes Romanes 2 confirme ces données : de Carluc et Montmajour dépendaient Saint-Pierre, Sainte-Marie et Saint-Denis à Reillanne même, Saint-Siffrein au pied du bourg (p. 177).

2 André Villard et Edouard Baratier, Catalogue des chartes antérieures au XIIe siècle (687-1112), AD B-d-R, Marseille, 1998, p. 54, n° 174 et 176.

3 G. BARRUOL, Les peuples préromains du sud-est de la Gaule. Etude de géographie historique, Paris, 1969, p. 278-279.

 

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