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Faisait partie du diocèse de Gap et de la viguerie de Sisteron, aujourd’hui chef-lieu de canton. La commune s’étend au NE de Sisteron le long du Grand Vallon, très large depuis sa limite au nord avec la commune du Caire, permettant les cultures céréalière et fruitière. Le village est établi sur la rive droite du vallon, dans la pente et au pied de la colline où s’élevait une motte castrale, sans doute aux alentours de l’an mille. D’une superficie de 2336 hectares le territoire a accueilli plus de 800 habitants en 1315 qui sera le maximum jamais dépassé par la suite. L’église paroissiale actuelle paraît avoir été bâtie au cours du XVIe siècle, une église et une chapelle ayant assuré le service paroissial avant son édification. Le castrum de Motta  est cité à la fin du XIe siècle lors de la donation de l’église Saint-Etienne.

298. L’église Saint-Etienne

A la fin du XIe siècle, les moines de Saint-Victor reçoivent une église dédiée à saint Etienne avec les chapelles  et les biens en dépendant  dans le territoire de La Motte des mains d’un aristocrate de Valernes dénommé Matfred (1). Ce dernier semble être le fils d’Isoard de Valernes qui en 1069 fait la donation de son domaine de Saint-Heyriès aux mêmes moines (2). Cette église n’apparaît pas par la suite en 1113 et 1135 dans les confirmations des papes des biens de Saint-Victor. Il semble qu’elle soit passée très vite dans les mains du chapitre de Gap. En 1274, est nommé un capellanus, un chapelain et non un prieur et vers 1350 le doyen du chapitre de Gap pour les bénéfices de la Motte et pour le chapitre (Pouillés, p. 89). Ce n’est qu’au XVIIe siècle que l’on connaît son emplacement : en sortant de l’église (du bourg) par la grand porte y a ung petit cimetière tout ouvert et luy a esté dict (à l’évêque) que le grand cimetière est dela le torrent de sainct Etienne (3). La première église était donc située sur la rive gauche du Grand Vallon en face du village, en milieu non défensif, près du torrent. Il n’en subsiste aucune trace, seuls quelques ossements apparaissent encore sur le site de l’ancien cimetière. Le nom de Saint-Etienne survit encore avec le ravin de St-Etienne.

Quant aux chapelles et les biens en dépendant, il est difficile de les localiser. Trois quartiers près du village portent les noms de Notre-Dame, Saint-Georges et Sainte-Anne qui ne correspondent pas aux chapellenies signalées au XVIIe siècle et lors des séquestrations révolutionnaires. Notre-Dame est un quartier excentré du village où s’élève l’église paroissiale. Saint-Georges  est un quartier au sud du village confrontant ceux de l’Auche et de Peiviel  (4). Nous sommes peut-être en présence d’une église baptismale ou plébane dédiée à saint Etienne et d’oratoria ou chapelles dépendant du chapitre de Gap dont l’origine peut remonter au haut Moyen Age. L’église et ses chapelles avec tous leurs biens auraient été accaparées par un laïc lors des troubles, puis léguées à Saint-Victor fin XIe siècle, pour revenir de nouveau dans les mains du chapitre au début du XIIe siècle.

299. Le couvent des Trinitaires

Une grande maison du village est appelée Le couvent. Les anciens savent qu’elle appartenait aux religieux Trinitaires, de l’ordre de Saint-Jean de Matha. Située au bas du village, elle appartient à des particuliers depuis la Révolution. Un grand pré clos en dépendant s’étale jusqu’au torrent du Saignon. Un très bel encadrement de porte daté de 1682 rappelle l’importance du bâtiment. Une croix de Malte est gravée sur le claveau supérieur. L’ordre des Trinitaires a pour vocation le rachat des captifs. Fondé au XIIIe siècle, il existe toujours et poursuit la même vocation. A la fin du XVe siècle, la communauté de La Motte-du-Caire fait appel à eux pour gérer  l’hôpital des pauvres du Christ lui appartenant.

Le dernier jour du mois de février 1498 a lieu l’installation officielle des Trinitaires à la Motte. Un acte, conservé aux archives départementales, est rédigé par Jean Carbonel, notaire public du lieu, en présence des représentants de la communauté et du révérend père de la Sainte-Trinité Antoine Nairassy (5). Il fait suite à une délibération du parlement public tenu dans ledit lieu de Mota le 22 du mois de novembre. La communauté fait don du cens et des services, des maisons, jardin et casal (écurie), des terres et pré de l’hôpital des pauvres du Christ du lieu de Motta.  En contre partie, les religieux sont tenus d’édifier un couvent en l’honneur de la Sainte Trinité et cela dans ledit pré dudit hôpital situé sous le bourg de Motta, confrontant avec les chemins publics et avec le ruisseau de Segno.  Le couvent devra être construit d’ici à cinq ans et quatre religieux devront y résider en permanence. Ils devront célébrer la messe tous les jours et réciter les heures canoniques (les offices).

Suivent plusieurs conditions dont celle de s’occuper des pauvres du Christ : lesdits religieux sont tenus et doivent tenir la maison dudit hôpital ouverte, bien et décemment munie de deux lits et couvertures et linges, bien suffisamment pour les pauvres du Christ. Ils devront en outre dire et célébrer une messe et autre messe plus tard tous les jours et perpétuellement dans ledit couvent à une heure appropriée et selon la volonté de ladite communauté de Motta et cela en l’honneur de la Sainte-Trinité et de la bienheureuse Vierge Marie.

Cette dernière disposition de dire une messe tous les jours à l’heure voulue par la communauté avait son importance. En effet, l’église paroissiale était éloignée du village, de l’autre côté du vallon et il n’était pas toujours aisé de s’y rendre, surtout en hiver. Les Trinitaires vont assurer jusqu’à la Révolution leur rôle d’accueil et de soin des malades et des pauvres du Christ. Parfois l’un d’eux sera nommé à la cure de la paroisse, comme c’est le cas le 10 janvier 1611 où la cure de la Motte est confiée à frère Pons Cadenet, prêtre de Marseille, professeur de Théologie, de l’ordre des Trinitaires. Le 5 avril 1696 voit la profession de foi monastique chez les Trinitaires de frère François Vachier. La famille d’Hugues, seigneur de la Motte, fonde une chapelle dédiée à saint Joseph dans l’église du couvent. A la Révolution le couvent est exproprié. Un inventaire des biens est rédigé le 30 août 1790 (6). Par la suite, un plancher est établi à la naissance de la voûte pour y installer un grenier, la nef tronquée servant d’écurie pour l’auberge installée dans le couvent.

Synthèse

La commune de La Motte présente le même cas que celle de Mison, le castrum n’a pas été équipé d’une église paroissiale comme dans la plupart des cas. C’est l’église pré-castrale, ici Saint-Etienne, qui, malgré son éloignement, à continué son rôle de rassemblement de la communauté. Le cimetière était encore en fonction à la fin du XVIIe siècle même si l’église avait été abandonnée. L’église du couvent des Trinitaires a permis depuis la fin du XVe siècle d’assurer un service paroissial plus confortable avant qu’une église soit enfin construite à la sortie du bourg.


1. Cette donation ne figure pas dans le cartulaire de Saint-Victor, mais dans des chartes inédites recensées par Paul Amargier, Chartes inédites (XIe siècle) du fonds Saint-Victor de Marseille, Thèse 3e cycle,Aix, 1967, liasse 67, n° 321. Edouard Baratier reprend cette donnée en la confirmant dans Provence Historique, tome XVI, fasc. 65, 1966, p. 427. De même André Villard et Edouard Baratier, Catalogue des chartes antérieures au XIIe siècle (687-1112), AD B-d-R, Marseille, 1998, p. 106, n° 379. Il faut observer que l’église, lors de la donation, est aux mains d’un laïc.

2. CSV n° 717, T II, p. 63. Ego Isoardus et uxor mea Adalax et filii mei Isnardus et Matfredus, (moi Isoard et mon épouse Adalax et mes fils Isnard et Matfred).

3. Visite pastorale de 1651, AD HA G 784, p. 154.

4. Ces deux toponymes évoquent un habitat du haut Moyen Age, un en plaine, l’autre perché où ont été retrouvées les traces d’un établissement gallo-romain et des tombes.

5. Texte en latin de 12 folios aux ADAHP, E 134/10.

6. ADAHP  1 Q 88, art.81.

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